Performeur et spectacle augmenté Part 01


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Article écrit par Luc Pinguet
 

La place du performeur à l’heure du spectacle augmenté et du metaverse.

 
D’aussi loin qu’il existe, l’art est le terrain d’innovations techniques mais aussi de détournement de l’outil. En effet, tout au long de notre histoire, objets du quotidien, matériaux en tout genre ont contribué à l’avancée de notre société. Avant de faire partie de notre quotidien à tous, le numérique a fait l’objet de multiples expériences artistiques.
Nous pouvons prendre le cas de matériels de captation de mouvement comme la Kinect de Microsoft. Initialement développée pour du contenu de divertissement multimédia, le concept a semblé s’essouffler au fil des années. Néanmoins, ce qui semblait être une perte de vitesse était en fait une transformation ou plutôt un détournement de son utilisation originelle.
L’outil créé à l’origine pour les consoles XBOX 360 avait connu une popularité relative des joueurs. Si bien qu’aujourd’hui, la technologie a totalement été abandonnée pour les consoles. Cependant, nombre d’applications stand-alone peuvent accueillir les données générées par la depth camera. Aujourd’hui, on retrouve son utilisation dans beaucoup d’expériences artistiques immersives. Nous allons voir aujourd’hui comment ce type de technologie combinée à d’autres comme le vidéo mapping ou le shading temps réel permettent l’avènement de spectacles “augmentés” ou immersifs.
 
Des logiciels comme Millumin contribuent grandement à la démocratisation de l’utilisation de ce genre de processus dans la scénographie du spectacle vivant. Prenons comme exemple une performance immersive réalisée par Adrien Mondot & Claire Bardainne, Scary Beauty. Scary Beauty
Scary Beauty est présentée en 2017 à l’Opéra Garnier à l’occasion des adieux à la scène du danseur étoile Jérémie Bélingard. Le collectif propose une expérience riche et unique basée sur un solo de danse en improvisation sur la musique créée et interprétée par Keiichiro Shibuya. Improvisation rendue possible par le rendu temps réel des visuels projetés autour du danseur.

Je vous propose de m’accompagner dans ce voyage où histoire et aléatoire s’entremêlent pour nous partager une nouvelle vision de l’artiste et de sa production. Dans une œuvre où l’improvisation est centrale, le performeur est maître de sa narration. Seulement, dans le cas d’expérience numérique, proposer un contrôle en temps réel de ce type implique des capacités techniques colossales. Pendant, longtemps, toute création digitale était contrainte par les limitations techniques de son médium.
 
De plus en plus, surtout dans le domaine de l’immersion, les artistes disposent d’une liberté d’action sur leur œuvre numérique. Ici, Adrien Mondot & Claire Bardainne ont mis en scène un environnement minimaliste et onirique où la performance de l’artiste reste au cœur de l’expérience. Les décors projetés vont d’un simple tissu à une pluie battante en passant par des éléments plus graphiques et abstraits, tous contrôlés par les gestes du performeur. Cela nous amène à questionner la portée de ce type de décor autour d’une telle création. Les décors sont-ils des objets narratifs qui contribuent à l’écriture du scénario de la prestation ou bien des éléments graphiques purement visuels.

Étant donné l’aléatoire causé par l’improvisation du performeur, il est normal de pencher pour la deuxième option mais cela serait oublier un détail important, le découpage. Dans cette performance d’environ 30 minutes, nous passons de tableau en tableau. Tous décrivent des univers très différents appartenant aux thèmes que Jérémie Bélingard a pu aborder dans sa danse au cours de sa carrière. Il est également intéressant de noter la présence de phases de plusieurs minutes sans aucun effet visuel.

Ces moments qui peuvent paraître un peu “vide” au premier abord, sont en réalité une volonté très importante de l’artiste pour toujours rappeler l’importance de la prestation humaine dans son œuvre. Cette volonté se retrouve également dans des tableaux comme celui des “étoiles” (le 3ème tableau à environ 7 minutes de représentation) où le danseur apparaît comme véritable déclencheur pour les événements graphiques.

La vélocité et l’orientation des particules (étoiles) projetées sont totalement dépendantes des gestes et de la volonté immédiate du danseur. Nous pouvons voir aussi cette œuvre sous l’angle de vision des artistes. Une production comme celle-ci étant le travail de plusieurs corps distincts : musique, danse et projection numérique amène forcément à une superposition de points de vue.