Le son spatialisé est le premier nouveau « paramètre » que l’auteur va devoir intégrer à son scénario immersif. Un processus inhabituel, mais obligatoire. Dès l’écriture, afin de jouer avec l’attention du VRonaute, de le diriger sans le contraindre, de l’attirer à son insu, d’attiser sa curiosité et de l’embarquer dans une expérience narrative, le scénariste de contenus virtuels devra faire preuve de créativité.
Au « cinéma » le scénariste se doit de penser en termes d’images de plans, de scènes, de séquences, sans faire le découpage (ce n’est pas son job), sans écrire : « la caméra descend en gros plan vers Raymond et on voit des poils sortir de ses narines ! ». Un bon scénariste ne parle pas de caméra et sait que « On » n’existe pas 🙂
Mais en VR et AR les cartes sont redistribuées. Dans son script, le scénariste doit se poser la question (entre autres…) : que doit regarder l’utilisateur ? Et il se peut qu’il ne regarde pas les poils du nez de Raymond, si importants dans cette histoire… Comment l’attirer (le VRonaute, pas Raymond !) ? Avec le son, bien sûr, qui pourra prendre diverses formes :
– le chien de Raymond qui aboie (si Raymond a un chien à ses côtés)
– Raymond qui grogne
– Un bruit de bouteille que l’on débouche (Raymond prend l’apéro)
– Raymond éternue violemment !! (La meilleure des 4 solutions, car instinctivement on va regarder le nez de Raymond)
Et sûrement une multitude d’autres possibilités non abordées ici.
On le voit bien, les possibilités sont illimitées si l’on ne les contextualise pas. Les meilleures solutions seront sûrement les matières sonores liées à l’univers, le(s) personnage(s) ciblé(s) à ce moment précis de l’histoire, sa psychologie, l’action et ce qui suit, etc.
Il faudra seulement que ces options soient possibles dans le contexte d’un plan 360° :
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Si le lieu impose le silence comme le désert par exemple, il faudra plutôt utiliser la voix humaine ou celle d’un animal utile à la scène (dromadaire ??)
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Si le personnage est seul dans les dunes et qu’il n’ait pas tendance à parler à haute voix, il faudra essayer les bruits liés au contexte (porte-t-il un sac, une gourde, une arme, un corps…)
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S’il est cette fois dans un milieu urbain… Le personnage a-t-il un TOC, un comportement qui se traduit par un son : vérifie-t-il si la vanne de gaz est bien fermée, toutes les minutes ? Est-il agressif verbalement, interpelle-t-il les gens toujours de la même façon (tics de langage)…
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Etc, etc, etc.
Les dialogues, par essence, attirent l’attention mais sont-ils suffisants ? Si le regard de l’utilisateur doit être attiré dès le début d’un dialogue vers le comédien « émetteur », pourquoi ne pas tenter des introductions « apparemment inutiles », avec des tics de langage, des interpellations ou des répétitions, le temps d’attirer le regard de l’utilisateur vers « celui-qui-parle ». On pourrait ajouter des quintes de toux, des « Au fait… », des « mec ! », des « Hé l’aut’ …», etc, qui par ailleurs caractériseront d’autant plus le personnage en question.
Oui, le son est primordial dans l’écriture immersive et un outil complémentaire à la mise en scène à 360°, qui a une forte tendance à s’approcher d’une mise en scène de théâtre.
Il faut seulement que le son soit beaucoup plus « pensé » qu’au cinéma ou au théâtre. Il devient un « marqueur spatial » ce qui n’est pas le cas habituellement et, utilisé seul, ou accompagné d’un déplacement d’acteur, d’un effet spécial, il dirigera l’attention de l’utilisateur vers la cible narrative.
Avec la XR, le son a clairement changé de statut. immersif